La bataille ne finissait pas, s’étirant dans une éternité de souffrance et d’horreur, un gouffre temporel où chaque seconde mangeait une vie. Le corps de Flavius n’était plus qu’une masse de chair, d’os et de souffrance, chaque pas, chaque mouvement, chaque respiration, chaque mouvement était une torture raffinée qui le faisait pousser des cris de douleur et de rage. Plus il avan?ait, plus il était fatigué et voulait se coucher pour que tout finisse. Mais son instinct, l’obligeait à survivre, il frappait, esquivait, parait, mais tout se fondait en un brouillard mécanique tel un automate à moitié cassé. Ses bras tremblaient sous le poids de l’épée, ses jambes vacillaient sous son poids, mais son instinct lui hurlait que s’arrêter c′était mourir. Mourir, une belle tentation que son corps lui refusait. Les épées sifflaient encore autour de lui, les lames s’entrechoquaient dans un vacarme assourdissant, les cris de guerre résonnaient comme des échos dans un tombeau. Tout était flou, comme dans un brouillard, il n’avait plus la force de penser, tuer ou être tuer, survivre était la seule option que son corps lui donnait. Un coup, un autre coup, puis un autre, un réflexe répété à l’infini.
Dans cette torpeur il se sentit s’élever dans le ciel, le sol loin de lui, puis ses oreilles le rappelèrent à la réalité, rugissement déchirant l’air, un grondement qui faisait trembler la terre. Il se demanda si c’était un cheval qui avait fait cela, mais ?a aurait d? être un énorme cheval. Puis il heurta la terre sur le dos ce qui lui coupa la respiration un instant. Il se releva et il vit. Il vit un gouffre béant à plusieurs mètres de lui qui avait engloutis hommes et chevaux. Une autre détonation monstrueuse éclata, hurlant dans ses oreilles, et des éclats de bois, de métal et de boue volèrent propulsés depuis le sol, comme si la terre les vomissait. Par réflexe, Flavius leva les bras pour se protéger, un geste futile face à la violence du souffle qui le projeta en arrière. De nouveau il s’écrasa au sol, le dos heurtant la terre dure, l’air chassé de ses poumons dans un hoquet étouffé. Et la pluie macabre commen?a, des chevaux hurlants, des soldats amis comme ennemis, des armes, des morceaux de corps retombaient en tas grotesques. Un bruit assourdissant, puis quelques secondes plus tard, une explosion qui ouvrait le sol y laissant un cratère et enfin une pluie immonde. Cette pluie ne s’arrêta pas pendant ce qui paraissait une éternité pour Flavius, la poussière chargée d’eau, de sang et d’autres fluides qu’il refusait d’identifier envahit tout s’infiltrant dans sa gorge, le faisant tousser violemment, dans ses yeux les lui brulant. Ses oreilles bourdonnaient à cause du bruit incessants des explosions et des cris. Puis le brui cessa, la pluie s’arrêta, la poussière retombait lentement, ce qu’il vit été encore pire qu’avant, la moitie d’un cheval les tripes gluantes recouvrait la moitié d’un homme sans tête ni bras avec une épée plantait dans le corps comme si c’était une fleur. Là deux hommes formaient un corps entier, ici une épée qui n’avait comme propriétaire qu’une main coupée. Tout devant lui n’était qu’horreur, chaos il avait l’impression d’être mort et d’avoir pénétrait l’antichambre de l’enfer, mais il savait qu’il n’était pas mort car son corps lui faisait mal, une douleur sourde, puissante pulsant en synchronisation avec les battements de son c?ur. Il comprit ! L’artillerie. Leur artillerie ! Ils avaient déchainé leurs feux mais trop près des lignes de front, Ils avaient tiré sans discernement, fauchant leurs propres lignes.
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Flavius, pantelant parmi les débris, sentit une panique froide monter en lui. S’ils continuaient ainsi tous les fantassins alliés allaient y passer. Non seulement, l’armée perdrait tous ses fantassins mais aussi tout serait balayé dans ce massacre aveugle et la bataille serait perdue. Toutes ses souffrances, tous ce qu’il venait d’endurer, tout cela pour rien, noyer dans ce carnage aveugle. Il tenta de se lever, mais ses jambes, lourdes comme du plomb, refusèrent d’obéir. Un cri d’agonie per?a lui fit tourner la tête, là tout près, un son guttural, désespéré, qui lui gla?a le sang. Il reconnut le soldat, celui qui lui avait sauvé la vie, gisant à terre, une jambe broyée sous le cadavre massif d’un cheval. Leurs regards se croisèrent, les yeux de l’homme brillants de douleur et de terreur, implorants. Flavius voulut avancer, tendre une main, mais une nouvelle détonation ébranla le sol, l’enfer se décha?nait de nouveau, une explosion emporta le soldat. L’artillerie, indifférente, recommen?ait sa mélodie macabre.
Ce n’était pas un champ de bataille, c’était un abattoir. C’était un broyeur, une entité dénuée d’émotion réduisant les hommes à l’état de boue sanglante. Il devait bouger, rester immobile, c’était offrir sa carcasse au massacre. Il finit par réussir à se lever malgré sa fatigue, malgré ses jambes qui le lachaient, trébuchant à travers le chaos, chaque pas une lutte contre un destin prêt à le faucher. Il regarda une dernière fois là où il avait vu le soldat agonisant qui lui avait sauvé la vie. Il n’a rien pu faire et cela le rongeait.
Sous la symphonie noire des boulets, la bataille s’éveillait, hideuse et déchirée. Ils fendaient l’air, s’abattant avec une violence indescriptible, labourant le sol en gerbes de terre et de feu. Les lignes ennemies s’effritaient peu à peu. Des cris jaillissaient — stridents, désespérés — alors que les soldats se désorganisaient sous ce déluge aveugle.
Impossible de tenir sous une telle tempête.
Puis une voix per?a le tumulte, un ordre hurlé, sec et tranchant :
? Retraite ! ?
Les rangs adverses se disloquèrent. Des hommes fuyaient en masse, trébuchant les uns sur les autres, abandonnant toute discipline dans une déroute totale.